À chaque élection, la plupart des médias s’attardent essentiellement aux chefs des partis et aux questions d’intérêt national, parfois provincial. Voilà qui est logique, dans la mesure où les chefs et les grands enjeux sont importants pour tous, ou du moins, pour un grand nombre d’électeurs. L’analyse de la campagne de H+K portera en grande partie sur ces dynamiques globales.
Or, dans notre système électoral, la constitution du gouvernement débute au niveau des circonscriptions. Seuls les électeurs de la circonscription de Calgary-Sud-Ouest peuvent voter pour Stephen Harper, et seuls ceux d’Outremont peuvent voter pour Thomas Mulcair. Tous les autres électeurs votent pour le candidat local de l’un des partis.
Après avoir étudié les 338 circonscriptions, nous en avons choisi 11 à surveiller de plus près. Cette sélection couvre chaque région et chaque combinaison de grands partis. La preuve que rien n’est encore joué! On y retrouve notamment de classiques circonscriptions changeantes. D’autres qui mettent de l’avant des candidats vedettes locaux, et même des circonscriptions dites bastions, où un même parti, voire une même famille, remporte le scrutin depuis des années.
Légende :
Circonscriptions remportées de justesse aux dernières élections ou ayant l’habitude de pencher en faveur du parti au pouvoir.
Circonscriptions mettant en vedette des candidats qui se démarquent par leur passé particulier ou leur longue carrière en politique.
Circonscriptions ayant l’habitude d’élire le candidat d’un parti donné. Une victoire ou une défaite dans ce genre de circonscription revêt généralement une plus grande importance que le siège disputé en soi.
Voici notre première édition :
La lutte entre le député sortant néodémocrate Ryan Cleary et le candidat libéral Seamus O’Regan dans St. John’s-Sud–Mount Pearl fait beaucoup jaser dans la province. O’Regan a animé pendant 10 ans l’émission Canada AM sur le réseau CTV et sait attirer l’attention des médias et de la population. Ancienne personnalité médiatique lui aussi, Cleary a ravi le siège du député libéral sortant et illustre homme d’affaires local Siobhan Coady avec une majorité de 19 pour cent en 2011.
Cette circonscription qui englobe le nord-ouest du centre-ville de Toronto a été un château fort libéral pendant plus de 30 ans jusqu’à ce que Joe Oliver, actuel ministre des Finances, l’enlève en 2011. Les députés libéraux Roland de Corneille et Joe Volpe y ont remporté des victoires écrasantes, la plus importante étant celle de Volpe en 1993 avec plus de 70 pour cent des voix.
En 2011, Oliver l’a emporté par seulement huit points de pourcentage, ce qui laisse croire à une autre lutte serrée cette année.
Comme le ministre conservateur jouit d’une très grande visibilité, on peut parier qu’il fera tout pour défendre son siège contre le libéral Marco Mendicino et le candidat vedette néodémocrate Andrew Thomson, ancien ministre des Finances de la Saskatchewan.
Le député conservateur Andrew Saxton détient la circonscription de North Vancouver depuis 2008. En 2012, la partie est de la circonscription a été retranchée à la suite d’un redécoupage électoral. Un récent sondage du journal The Vancouver Sun annonce une lutte à trois entre les libéraux (25 pour cent), les conservateurs (24 pour cent) et les néodémocrates (19 pour cent), ce qui prouve que les candidats libéral Jonathan Wilkinson et néodémocrate Carleen Thomas font tout en leur pouvoir pour arracher ce siège. Une défaite des conservateurs pourrait leur faire perdre des plumes en Colombie-Britannique, province à forte rentabilité électorale.
Nova-Centre est un véritable bastion conservateur : l’ancien ministre Elmer MacKay, l’ex-premier ministre Brian Mulroney et l’ancien chef du Parti progressiste-conservateur et ministre de longue date du gouvernement Harper Peter MacKay ont chacun représenté la circonscription depuis 1968. Seule la libérale Roseanne Skoke, entre 1993 et 1997, a brisé cette séquence. Cette année, Fred Delorey, proche collaborateur de Stephen Harper, y affronte Sean Fraser (PLC) et Ross Landry (NPD). Delorey fera de son mieux pour que la circonscription reste bleue.
Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration Chris Alexander est en lice contre l’ancien ministre libéral Mark Holland. En 2011, les deux candidats se sont livré une lutte extrêmement serrée, remportée par seulement 5,7 points de pourcentage. Ancien ambassadeur en Afghanistan, Alexander fait figure de candidat vedette. Holland, campagniste redoutable, promet de tout mettre en œuvre pour offrir une victoire aux libéraux dans le Grand Toronto.
Greg Rickford, actuel ministre des Ressources naturelles, siège au cabinet depuis 2010 et représente Kenora depuis l’élection de 2008. Même si Rickford a remporté la dernière élection avec 47 pour cent des voix, la circonscription a traditionnellement voté libéral, l’ancien ministre Bob Nault (PLC) ayant occupé son siège pendant 16 années. Autre candidat d’expérience, l’ancien chef du NPD de l’Ontario Howard Hampton est lui aussi de la course. Le NPD aspire à une première victoire dans la circonscription en plus de 30 ans.
La candidate néodémocrate Olivia Chow tentera de récupérer son siège à la Chambre des communes après avoir brigué en vain la mairie de Toronto. Elle croisera le fer avec le libéral Adam Vaughan, un autre visage connu de l’arène municipale. Il s’agit pratiquement d’une course à deux élus entre Vaughan, député actuel, et Chow, qui a représenté Trinity–Spadina, l’ancienne Spadina–Fort York, de 2006 à 2014. Chacun des candidats l’a emporté haut la main à sa dernière élection dans la région, mais il faut s’attendre à une chaude lutte en raison du redécoupage en 2012. On prévoit un grand déploiement de ressources de part et d’autre pour rafler cette circonscription clé du centre-ville de Toronto.
Les libéraux et les néodémocrates entendent tous deux gagner de nouveaux sièges en Alberta. La vague orange au niveau provincial semble avoir insufflé une nouvelle dynamique aux partis. La conservatrice Joan Crockatt est membre de la Chambre des communes depuis peu, ayant gagné son siège lors de l’élection partielle de 2012 avec 36,87 pour cent d’appui, contre son adversaire libéral non loin derrière à 32,68 pour cent. Elle est opposée à Kent Hehr (PLC) et à Thana Boonlert (PVC), le NPD n’ayant toujours pas désigné de candidat.
Le Québec a-t-il l’intention d’offrir plus de sièges au Bloc québécois, qui n’en compte actuellement que deux? Chose certaine, Gilles Duceppe est un batailleur reconnu pour briller lors des débats, faire grand bruit dans les médias et rallier le vote de nombreux électeurs québécois (sauf aux dernières élections). De son côté, la néodémocrate Hélène Laverdière a acquis une certaine notoriété à titre de porte-parole de l’Opposition officielle pour la coopération internationale et de porte-parole adjointe pour les Affaires étrangères.
Conservateurs et libéraux se sont retrouvés nez à nez dans cette circonscription lors des élections de 2011, remportées par Joyce Bateman (PCC) avec 38,82 pour cent des voix contre 37,02 pour cent pour Anita Neville (PLC). Les deux élections précédentes s’étaient soldées par une victoire des libéraux aux dépens des conservateurs, mais toujours par une mince marge (42,27 pour cent contre 36,26 en 2008, et 39,25 pour cent contre 31,49 en 2006). La circonscription a été libérale pendant près de 25 ans jusqu’à l’élection de Joyce Bateman.
James Moore, actuel ministre de l’Industrie, n’est pas candidat pour ces élections, si bien que tout peut se jouer dans cette circonscription chaudement disputée entre conservateurs et néodémocrates. Député depuis 2004, Moore est un candidat vedette, homme politique et proche collaborateur de Stephen Harper qui a raflé les dernières élections par plus de 25 pour cent des voix. Son absence, combinée à un redécoupage de la circonscription en 2012, pourrait se refléter dans la participation au scrutin. Le NPD, qui espère gagner de nombreux sièges en Colombie-Britannique, convoite ardemment celui-ci.