Quatre sondages nationaux confirment la chute du NPD dans les intentions de vote, si bien que ce marathon électoral prend maintenant des airs de course à deux, du moins pour l’instant. Après un départ canon, le NPD s’essouffle. Les sondages n’offrent que des aperçus ponctuels, et à 18 jours du scrutin, les électeurs indécis détiennent toujours la clé de cette élection. S’ils révèlent les intentions de vote des électeurs, les sondages ne peuvent toutefois prédire leur choix définitif dans l’isoloir. C’est ici que le nombre de sièges entre en jeu. Au terme de cette élection, la Chambre des communes comptera 338 sièges. Un parti doit remporter 170 sièges pour former un gouvernement majoritaire. D’après l’outil de suivi des intentions de vote Poll Tracker de CBC, si le vote avait lieu aujourd’hui, les Canadiens éliraient un gouvernement conservateur minoritaire avec 128 sièges, à 42 sièges de la majorité. Mais la course se poursuit.

Les résultats des sondages nationaux et régionaux divergent, et ceux commandés par les partis diffèrent à leur tour. Les techniques utilisées par les partis fédéraux pour suivre et mobiliser leur base partisane à l’échelle locale ont grandement évolué. Armés de iPad, les démarcheurs sillonnent les quartiers pour compiler des données sur les électeurs et inviter ces derniers à aller voter le 19 octobre prochain.

LE DÉBAT LE PLUS INFLUENT

Observateurs et médias s’entendent pour dire que le débat Munk de lundi dernier était à la fois pertinent et bien orchestré. Les chefs ont défendu leurs plateformes et programmes sur des enjeux comme l’aide étrangère, l’intervention militaire, la sécurité intérieure, les changements climatiques et le commerce. Vu la faible cote d’écoute ce soir-là (à peine 25 000 internautes et 3 000 spectateurs à Toronto), bon nombre de Canadiens se sont fiés au compte rendu des analystes le lendemain, ce qui a laissé le champ libre à l’interprétation.

Chose certaine, Trudeau a dépassé les attentes en présentant un point de vue tranché sur la plupart des questions, certains le désignant même gagnant du débat. Mulcair de son côté s’est montré moins incisif à certains égards, essayant d’équilibrer ses positions sur les principaux enjeux du commerce et de la sécurité, fidèle à son approche modérée. Harper pour sa part a fait valoir son bilan à la tête du gouvernement et sa vision différente de la politique étrangère.

Si Trudeau a été l’instigateur de la plupart des attaques, Harper est sans surprise celui qui a proposé la plateforme la plus belliciste en ce qui concerne l’intervention militaire et les mesures de sécurité intérieure.

En résumé : Harper a défendu les réalisations de son parti, Mulcair a essayé de se faire entendre et Trudeau s’est illustré par sa passion et sa capacité à recentrer le débat sur les valeurs canadiennes. Sa bonne performance a insufflé un nouvel élan à la campagne libérale, alors que Mulcair n’a pas réussi à donner son second souffle au NPD. En définitive, l’auditoire est de toute évidence le grand gagnant de ce débat, ses applaudissements et huées ayant plus d’une fois ramené les chefs à l’ordre.

Voici les principaux échanges d’intérêt de ce débat.

Commerce

Les intervenants de l’industrie manufacturière canadienne étaient impatients d’entendre les positions et arguments des partis sur le Partenariat transpacifique (PTP). L’échange a porté essentiellement sur les relations entre le Canada et les États-Unis (Keystone XL), les accords commerciaux passés (AECG, Corée, Colombie, Honduras) et les vagues engagements pour appuyer la gestion des approvisionnements.

Harper et Trudeau ont soutenu chacun de leur côté que leur parti avait conclu les accords commerciaux les plus fructueux. Voici à ce sujet un échange particulièrement intéressant :

Trudeau : « Nous devons conclure des accords commerciaux avec les États-Unis et les pays du monde entier pour stimuler notre économie et créer des emplois de qualité pour les Canadiens, mais M. Harper n’a pas su faire avancer certains grands dossiers à cet égard… »

Ce à quoi Harper a répliqué : « Le fait est, M. Trudeau, que 99 pour cent des mesures de libre-échange de ce pays sont l’initiative de gouvernements conservateurs. »

Mulcair s’est évertué à dissiper l’image anticonformiste qui colle à son parti. « Tout d’abord, en ce qui concerne les accords commerciaux, celui avec la Corée avait l’appui du NPD, ce qui prouve que M. Trudeau invente encore des faits. Du temps que j’étais ministre, j’ai participé à de nombreux débats, mais ce qui importe, ce sont les décisions que nous avons prises, et si j’ai rejeté cet accord, c’est parce que l’exportation d’eau en vrac était une très mauvaise idée. Nous avons donc fermé la porte à double tour. »

Changements climatiques

Trudeau a dressé un parallèle entre l’environnement et l’économie, revenant à la charge avec son programme d’infrastructures vertes, tandis que Harper a rappelé que les conservateurs ont réussi à réduire les émissions de gaz à effet de serre au pays, faisait particulièrement bonne figure par rapport aux précédents gouvernements libéraux et incitant même d’autres pays à nous emboîter le pas. Harper d’ajouter : « Et je suis très optimiste. Nous nous sommes fixé des objectifs très, très similaires à ceux de nos principaux partenaires. Nous collaborons avec de nombreux pays, surtout les États-Unis, à l’adoption de cadres réglementaires en matière d’émissions de gaz à effet de serre, et j’ai très bon espoir de conclure un nouvel accord historique à Paris cette année. »

Approvisionnement militaire

Peu débattue, la question de l’approvisionnement militaire n’a été abordée que par Harper, invité à prendre position sur la souveraineté canadienne dans le Nord. Il a souligné les premiers engagements de la stratégie de défense des Forces canadiennes, notamment sur le centre d’instruction de l’Armée de terre, les acquisitions de l’Aviation royale canadienne, le port en eau profonde et les Rangers canadiens, qui ont peu progressé depuis 2008.À l’opposé, Trudeau a indiqué que la question du Nord canadien exige davantage de leadership et d’investissement, d’où l’intention du Parti libéral d’injecter des fonds dans la Marine royale canadienne plutôt que dans l’acquisition de F-35.

PTP : SIGNÉ, SCELLÉ… ET DÉLIVRÉ?

Douze pays, dont le Canada, règlent les derniers détails du PTP à Atlanta. Plusieurs initiés entretiennent l’espoir d’une signature dès aujourd’hui. Les conservateurs ont déjà mobilisé de nombreux intervenants en faveur de cet accord, mais Harper ne le signera que s’il est avantageux pour le Canada : « Écoutez, il y a toujours une raison de se retirer de la table des négociations. Il y a toujours une raison de s’opposer à des accords. Nous ne signerons cet accord que s’il est avantageux pour l’économie canadienne; nous voulons d’abord prendre place à la table des négociations pour nous assurer de servir les intérêts canadiens. »

Différents secteurs d’activité ont vertement critiqué le PTP, à commencer par les industries laitière et automobile. Si une grande partie de l’accord demeure confidentielle, le ministre Fast a l’intention d’en divulguer les éléments internes dès son retour d’Atlanta, lesquels seront assurément débattus par les autres partis et intervenants.

Au-DELÀ de la politique

À l’évidence, le ton général de cette campagne électorale passe de la politique à la confiance. Alors qu’ils intensifient leurs efforts de mobilisation des électeurs, les partis fédéraux savent pertinemment que les Canadiens en sont à déterminer lequel leur inspire confiance, se soucie de leurs préoccupations et propose l’approche qui cadre le mieux avec leurs propres intérêts. Ils multiplient donc les rassemblements de grande envergure et lancent des messages ciblés dans les médias sociaux pour galvaniser leur base partisane.

Avant le déclenchement de l’élection, le NPD semblait en bonne voie de rallier le vote des Québécois pour une deuxième fois de suite, mais cet appui semble maintenant s’effriter. Dans l’arène politique, Mulcair est reconnu pour sa combativité et sa perspicacité, mais dans cette campagne, il a cherché à imiter la personnalité aimable et pondérée de Jack Layton qui a conquis le Québec en 2011. Généralement admiré pour son ardeur et son intensité à la Chambre des communes, notamment par les électeurs de la Colombie-Britannique, il dévoile aujourd’hui un côté tendre et noble qui ne semble pas trouver écho chez les citoyens. Plus important encore, le NPD a adopté une plateforme politique qui se situe davantage au centre qu’au ce