La légalisation du cannabis à des fins médicales a fait naître dans son sillage une série de théories du complot impliquant l’industrie pharmaceutique. Celle-ci souhaiterait empêcher la légalisation du cannabis afin de maintenir son monopole dans la vente de médicaments. Des études[1] indiquant que l’utilisation du cannabis à des fins médicales serait associée à un déclin dans le nombre de prescriptions de médicaments sont d’ailleurs citées pour donner vie à cette théorie. Mais qu’en est-il vraiment ?
Il est vrai que l’utilisation du cannabis à des fins médicales peut agir comme substitut à certains médicaments dans des champs thérapeutiques donnés. À titre d’exemple, le cannabis médical est perçu comme une alternative à la consommation d’opioïdes dans les cas de douleur chronique. Selon les études citées précédemment, dans les États américains où l’usage du cannabis à des fins médicales est permis, un médecin prescrira en moyenne 1 826 comprimés d’antidouleurs de moins annuellement qu’un médecin exerçant dans un État où le cannabis médical n’est pas légalisé. Par ailleurs, malgré la légalisation du cannabis à des fins récréatives, une part importante de la production des producteurs accrédités de cannabis canadien continuera d’être destinée au secteur médical.
Les intérêts communs des entreprises pharmaceutiques et des producteurs de cannabis devraient conduire à de plus en plus de partenariats entre ces deux industries. Les grandes pharmaceutiques développent des produits depuis plusieurs décennies et elles possèdent l’expertise et les réseaux nécessaires afin de mener à bien des essais cliniques. C’est principalement cela qui fait défaut aux producteurs de cannabis, qui ne réussissent pas à effectuer des essais cliniques leur permettant de passer le test de la science et d’ainsi obtenir les accréditations nécessaires afin de commercialiser leurs produits à titre de médicaments. Les premiers à avoir uni leur destinée furent CannTrust Holdings et Apotex, qui ont annoncé une collaboration afin de mettre au point une nouvelle gamme de produits pour usage médical. En mars dernier, ce fût au tour du producteur Tilray et du fabricant de médicaments génériques Sandoz d’annoncer une alliance stratégique.
La distribution du cannabis médical en pharmacie est également un enjeu qui favorise la collaboration entre les deux industries. Actuellement, un front commun s’organise pour mettre de la pression sur le gouvernement fédéral afin que le cannabis médical puisse être vendu et distribué en pharmacie. En préparation à cette éventualité, Shoppers Drug Mart a déjà signé des ententes d’approvisionnement avec quatre producteurs accrédités dont Aphria, Tilray, MedReleaf et tout récemment avec Aurora. En ce qui concerne les propriétaires de pharmacies, ils affirment qu’ils sont les mieux placés pour assurer la sécurité des patients et qu’ils devraient être autorisés à distribuer et à vendre du cannabis thérapeutique.
Si la tendance se maintient, ces deux grandes industries devraient continuer d’unir leurs destinées dans un avenir prochain. Déjà, certains joueurs ont fait le saut, mais qui sera la première pharmaceutique à se jeter à l’eau? Pfizer, Johnson & Johnson, Merck, Purdue ? Pour ce dernier, dont le champ d’expertise est la gestion de la douleur, investir dans le cannabis devient un mariage de convenance. Gageons que d’ici peu, la théorie du complot sera chose du passé et que nous assisterons à une union heureuse entre ces deux industries.