Les leaders des quatre principales formations politiques à la Chambre des communes se sont affrontés dans le premier débat en français de la campagne. Justin Trudeau, Yves-François Blanchet, Erin O’Toole et Jagmeet Singh participaient au « Face-à-Face », un exercice orchestré sur les ondes du réseau TVA.
À la fin de l’été et à l’aube de la rentrée scolaire, plusieurs experts sont d’avis que ce débat marque le début de la vraie campagne. Alors que les derniers sondages suggèrent peu de mouvement dans les intentions des Canadiens, le Face-à-face représente donc une opportunité clé pour les quatre chefs fédéraux de se démarquer et de gagner des intentions de vote au Québec.
Rappelons qu’aux dernières élections, le Face-à-Face avait marqué un point tournant de la campagne pour les conservateurs. Le chef de l’époque, Andrew Scheer, avait trébuché sur la question de l’avortement en entretenant le flou sur sa position personnelle; une chute qui avait largement profité au Bloc Québécois.
Les chefs ont débattu durant deux heures sur les trois thèmes suivants : la pandémie, les politiques sociales et le Canada de demain.
L’équipe d’experts de H+K a identifié cinq points à retenir de ces échanges :
1. Une élection « inutile »
D’entrée de jeu, les trois chefs ont fait front à Justin Trudeau pour avoir déclenché une campagne électorale non-nécessaire, alors que la quatrième vague de la pandémie déferle sur le pays. L’argument d’un parlement déjà « fonctionnel » a été plaidé à plusieurs reprises. Le chef libéral a répliqué que le choix d’appeler les Canadiens aux urnes pour solliciter un troisième mandat était justifié par la nécessité de faire entendre les voix des électeurs sur les mesures de sortie de crise. Le premier ministre sortant n’a pas réussi à justifier le déclenchement d’une élection générale en pleine pandémie.
2. Un débat qui ne passera pas à l’histoire
Ce Face-à-face ne constitue pas un point tournant de la campagne électorale. Aucun des échanges de ce débat risquent de susciter un changement significatif dans les intentions de vote.
3. Pas de gagnant, ni de K.O
Les quatre chefs ont tous eu de bons comme de mauvais moments. À son ton premier débat, le chef conservateur Erin O’Toole a réussi à se positionner comme une alternative. Chef le moins connu, les Québécois ont découvert un Erin O’Toole affichant un calme olympien et maîtrisant bien le français. Il a bien su courtiser les nationalistes québécois, notamment sur les questions de langues officielles, d’équilibre budgétaire et de relance économique et probablement consolider ses acquis.
Le plus expérimenté du groupe, le chef du Parti libéral du Canada et premier ministre sortant, Justin Trudeau s’est montré combatif lors de nombreux échanges. Le chef du Bloc Québécois, Yves-François Blanchet, a défendu avec force les intérêts du Québec et s’est enflammé à la fin du débat en réponse à des accusations d’avoir contourné le BAPE alors qu’il était ministre de l’Environnement. Quant à Jagmeet Singh, il a su livrer les messages à ses partisans.
4. Les transferts en santé
Les relations fédérales-provinciales ont provoqué des flammèches, notamment lorsqu’il a été question des transferts en santé. Erin O’Toole a critiqué le caractère paternaliste du parti libéral de Justin Trudeau dans ce dossier, rappelant que le parti conservateur s’engage à augmenter les transferts en santé aux provinces d’au moins 6 % par année.
Dans un même ordre d’idées, une réplique de Jagmeet Singh en référence au recours au secteur privé dans les services en santé a résonné particulièrement : « Les profits ont tué nos aînés. Je ne peux pas rester les bras croisés devant cette tragédie », a-t-il lancé en faisant allusion à la vague de décès résidents des CHSLD du Québec durant la pandémie.
5. Pas de gouvernement de coalition
Questionné à quelques reprises par l’animateur du débat sur la formation d’un gouvernement de coalition advenant une minorité, ni Justin Trudeau ni Erin O’Toole ont donné une réponse. À cet égard, le chef libéral a répété vouloir un « mandat clair » des Canadiens et a dit penser qu’il y aurait de nouvelles élections dans 18 mois.
La cheffe du Parti vert, Annamie Paul, se joindra à MM Trudeau, Blanchet, O’Toole et Signh aux deux autres joutes oratoires organisées par la Commission des débats des chefs, les 8 et 9 septembre prochains, en français et en anglais.
Josiane Hébert, Pierre Tremblay and Iman Marzouk