Cette campagne électorale qui n’en finit plus aura néanmoins été riche en enseignements pour ceux qui s’intéressent aux pratiques exemplaires de gestion de crise et d’enjeux, autant dans le secteur public que privé.
Comme son nom l’indique, la gestion d’enjeux commence par une évaluation de toute question qui présente un risque pour une organisation. On peut s’attendre à ce que le centre de crise de chaque parti fédéral possède un plan d’action, ou à tout le moins du personnel à pied d’œuvre, pour affronter les pires scénarios.
On pourrait donc logiquement penser que les conservateurs étaient parés à un éventuel dérapage de l’affaire Duffy, ou avaient envisagé la possibilité que des facteurs économiques échappant au contrôle du Canada viennent perturber les marchés canadiens.
La plupart des organisations peuvent compter sur des personnes capables de déceler et d’analyser avec rapidité, efficacité et perspicacité les situations qui posent un risque pour leurs secteurs respectifs. Il s’agit là d’un atout précieux, surtout lorsqu’une réponse prompte et pertinente s’impose, comme c’est le cas dans une course électorale.
Plusieurs commentateurs ont donc été étonnés du manque de préparation du Parti conservateur devant ces deux événements, qui ne datent pourtant pas d’hier. Certains ont reproché aux conservateurs de ne pas avoir adapté leurs messages à la conjoncture, ressassant des slogans désuets qui ont miné leur crédibilité. Ils n’ont pas eu recours aux habituelles tactiques de diversion de l’opinion publique. Peut-être les éminences grises du parti ont-elles jugé préférable d’en faire le moins possible, dans l’espoir que les électeurs aient la mémoire courte? Nous en aurons le cœur net d’ici trois semaines environ.
L’autre enjeu important de cette campagne électorale est la crise des réfugiés syriens. Bien qu’il ne s’agisse pas tout à fait d’un cygne noir (un événement si improbable que personne ne pouvait l’anticiper), il est compréhensible qu’aucun parti n’ait prévu cette crise à son programme.
Or, son éclatement soulève un autre élément essentiel de la gestion de crise et d’enjeux : la capacité d’agir et de s’adapter prestement aux imprévus. Là encore, les conservateurs donnent l’impression d’avoir été pris au dépourvu, eux qui ont complètement failli à leur devoir d’empathie en tenant plutôt un discours sur la sécurité allant à contre-courant de l’opinion publique. Ils ont tenté de rattraper le coup, mais trop tard.
Les partis ont dû composer avec des candidats aux antécédents discutables. Chacun à leur façon, ils ont réussi à gérer ces cas problématiques, prouvant à quel point il faut travailler fort pour effacer les erreurs du passé.
Bonne préparation aux imprévus et capacité de réagir promptement ne sont pas contradictoires : les deux sont essentielles à une gestion efficace des enjeux. Elles reposent sur l’application rigoureuse d’un processus connu dont il ne faut surtout pas s’écarter lorsque les choses se corsent. Une bonne connaissance des décideurs, de leurs rôles et de la question de fond s’impose pour garder la situation bien en main.
Pour mener une campagne à bien et préserver sa réputation à tous les égards, il faut savoir garder le cap, mais aussi avoir l’intelligence de modifier sa trajectoire lorsque les circonstances l’exigent. Cela dit, il n’est pas rare de voir les partis politiques comme de nombreuses organisations perdent toute rigueur lorsqu’ils sentent la soupe chaude. Ce n’est qu’au jour J que nous pourrons juger à quel point les partis ont su respecter leurs lignes directrices, les adapter au besoin sans trahir leurs couleurs et gagner la faveur des Canadiens. Il ne reste plus qu’à espérer un dénouement concluant!