Les cinq chefs des partis fédéraux se sont affrontés lors du deuxième rendez-vous télévisé francophone de la campagne électorale 2021. Justin Trudeau (Parti libéral du Canada), Yves-François Blanchet (Bloc québécois), Erin O’Toole (Parti conservateur du Canada), Jagmeet Singh (Nouveau Parti démocratique) et Annamie Paul (Parti vert du Canada) ont eu l’occasion de défendre leurs idées en face de la colline du Parlement, en direct du Musée canadien de l’histoire, à Gatineau.

Cet échange s’est déroulé en cinq volets : la pandémie de COVID-19 et les soins de santé ; le coût de la vie et les finances publiques ; les questions autochtones, d’identité et de culture; l’environnement ; et finalement, la justice et les affaires étrangères;

À la différence du débat « face-à-face » de la semaine dernière, la formule privilégiée combinait des questions posées en direct par des citoyens, des journalistes et l’animateur, Patrice Roy, ainsi qu’une ronde débat ouverte aux cinq chefs, favorisant un rythme d’échanges bien différent.

Votre équipe H+K a identifié cinq points forts à retenir :

1. Un format peu propice à des moments forts

Au détriment des électeurs et des auditeurs à l’écoute, le rythme du débat n’invitait pas les chefs à proprement débattre entre eux ni à déstabiliser leurs adversaires. Le nombre élevé d’interventions, de sujets et de questions en rafales n’était pas propice aux échanges ni à des réponses en profondeur sur les enjeux fondamentaux de la campagne.

2. Aucun vainqueur, ni joueur étoile

À l’instar du précédent débat francophone, personne ne s’est véritablement démarqué au cours de la soirée. L’expérience de MM Trudeau et Blanchet dans ce type de débat télévisé est toutefois apparue évidente.

Le premier ministre sortant est celui qui a le plus occupé l’espace de prise de parole, entre autres pour défendre le bilan de son gouvernement.

Le chef bloquiste, Yves-François Blanchet a quant à lui donné une performance soutenue dans plusieurs segments. Ses interventions claires sur les enjeux de santé et de pénurie de main-d’œuvre pourraient faire écho dans les circonscriptions où la lutte se resserre.

Les chefs du parti vert et du NPD ont partagé quant à eux des positions similaires et se sont montrés en accord sur certains enjeux, rendant ainsi difficile leur parti respectif de se distinguer.

3. Quelques points d’achoppement 

Des échanges plus intenses sur le financement des garderies au Québec sont survenus alors qu’Erin O’Toole est resté vague sur le sort de l’entente de six milliards entre le fédéral et le Québec.

En voulant donner un exemple lors d’une question posée sur les langues autochtones, M.Trudeau a rappelé la nomination de Mary May Simon à titre de gouverneure générale. Or, cette nomination fut controversée au Québec puisque Mme Simon ne parle pas français.

Les échanges les plus vigoureux sont toutefois survenus vers la fin du débat sur l’identité québécoise. « Je suis fier d’être Québécois. Vous ne m’accuserez pas de ne pas être Québécois, M. Blanchet ! » a rétorqué Justin Trudeau, répondant à Yves-François Blanchet qui venait de l’interpeller.

4. Occasions manquées pour le chef conservateur

Le chef conservateur, Erin O’Toole, semble avoir manqué quelques occasions de se démarquer, mais principalement d’attaquer le chef libéral Justin Trudeau, son principal rival dans la campagne tel que révèlent les derniers sondages. Malgré avoir mentionné être « le seul chef qui peux remplacer M. Trudeau », M. O’Toole a manqué l’occasion de séduire les électeurs francophones en restant vague sur les orientations conservatrices. En retard sur les libéraux dans les intentions de vote au Québec, sa combativité n’était pas au rendez-vous.

5. Un auditoire « oublié »

Un autre constat qui ressort des échanges est que les chefs fédéraux semblent avoir oublié de s’adresser aux citoyennes et citoyens à l’écoute, qui sont en quête de motivation et de raisons pour suivre cette campagne électorale. Par leurs réponses évasives et le manque de clarté de leurs propos, les chefs ont manqué l’opportunité de charmer le grand public et se rapprocher des électeurs. Les réponses toutes faites (« cassette politique ») ont été utilisées de façon abondante par les chefs. À une douzaine de jours du jour J, aucun changement de ton n’a été observé chez l’un ou l’autre des cinq candidats, ne faisant pas état d’un débat qui risque de faire bouger les intentions de vote ni de faire en sorte d’élire un gouvernement majoritaire. Reste à voir si ce dernier aura un impact sur le taux de participation.

Les chefs occuperont à nouveau la même espace ce soir, cette fois-ci dans le cadre du débat en anglais.

Les sujets abordés au cours de la soirée seront l’accessibilité financière, le climat, la reprise du COVID, le leadership et la reddition de compte, puis la réconciliation.  Dans le dernier débat officiel de cette élection, les chefs devront faire en sorte que ce débat compte. Nous nous attendons à ce que le premier ministre continue de défendre son bilan tout en espérant semer le doute et la méfiance à l’égard d’Erin O’Toole pour tenir un programme différent de ce qu’il a présenté aux Canadiens jusqu’à présent. De l’autre côté, M. O’Toole s’en tiendra probablement à ses promesses de campagne positives et tournées vers l’avenir et les opposera à la même attaque qu’utilisera le NPD, qui consiste à souligner que M. Trudeau fait de grandes promesses en période électorale, mais que la capacité ou la volonté de les tenir lorsqu’il est au pouvoir est toute autre.

 

Rédigé par: Iman Marzouk, Josiane Hébert,  Pierre Tremblay, Jean-François Landry, Brandon Pelletier-Gannon