L’importance des relations publiques dans les démocraties modernes fait maintenant partie de l’analyse quotidienne des commentateurs politiques. Non seulement les messages des politiciens sont décortiqués à la moindre syllabe par de nombreux spécialistes de « l’opinion » et autres ex à la télé, mais les politiciens sautent eux-mêmes dans la mêlée en s’entre-accusant mutuellement de gouverner ou d’agir « en fonction des sondages ».
Le phénomène n’est pas réservé au Québec et devient même un argument prisé des hommes politiques afin de démontrer leur détermination. Pour se faire élire par la population, les candidats s’exclament donc « Votez pour moi! Je suis le seul qui gouvernera sans me soucier de votre opinion! » Classique ironie.
Les sondages deviennent même, pour certains politiciens, le bouc émissaire d’une piètre performance électorale, si on en croit ce texte de Gilbert Lavoie. Fermez l’ÉNAP et les facultés de Sciences politiques, le pouvoir se trouve dans une formation en Mathématiques et Statistique!
Bref, dans une démocratie libérale, le pouvoir réside dorénavant dans les sondages. Quel est le problème au fond? Enfin une vraie reddition de compte diront certains!
Jusqu’à maintenant, je n’y voyais pas de gros problème de fond, comprenant l’importance de l’image en politique contemporaine. Je croyais que « gouverner par sondage » était en fait une métaphore signifiant « tentez de rester populaire pour se faire élire/réélire un jour ».
J’y croyais! Enfin, jusqu’au jour où j’ai lu ceci! Résumé de l’histoire : Le conseil municipal de Montréal a voté à majorité CONTRE l’octroi de contrats pour réparer les nids de poules après le 15 avril. Les élus ont en effet peur d’octroyer des contrats aux entreprises sujettes d’allégations quotidiennes peu valorisantes à la commission Charbonneau.
Réaction du maire par intérim Michael Applebaum : Réparer lui-même un nid de poule en invitant la « population [à] se prononcer, par voie de sondage en ligne, afin de faire pression sur les élus pour qu’ils acceptent d’octroyer les contrats et permettent ainsi la réalisation des travaux. »[1]
Littéralement : gouverner par sondage. Cher Montréalais, c’est là que nous sommes rendus! Notre maire tient carrément à aller chercher la légitimité d’une décision en s’appuyant sur un sondage en ligne de citoyens en colère. Il y a de quoi être fier de nos institutions! Comme me le faisait remarquer un homme sage, peut-être la défunte CLASSE a finalement réussi à imposer son système de démocratie directe sur l’administration municipale?
Cela dit, si quelqu’un doutait encore du caractère ingérable de la ville de Montréal depuis quelque temps, voici un indice assez révélateur.
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[1] Pierre St-Arnaud, LaPresse.ca, 22 mars 2013 16h30,