La commission Charbonneau est devenue le roman-savon préféré des Québécois depuis la reprise de ses travaux le 17 septembre dernier.
Après plusieurs années de scandales et une longue attente des Québécois avant d’obtenir une commission d’enquête réclamée par plusieurs acteurs de la société civile, la substance que nous ont offerte les audiences du mois de juin n’est pas suffisante! La population a besoin de connaître la vérité et rapidement!
Les procureurs de la commission Charbonneau se trouvent donc devant l’immense défi de concilier les attentes de la population avec un calendrier logique qui permettra à la CEIC de remplir son mandat réel : découvrir la vérité sur les stratagèmes de collusion et de corruption ainsi que sur l’infiltration du crime organisé dans l’industrie de la construction.
La tâche n’est pas mince et la population est au rendez-vous, comme le confirme Hugo Dumas dans cet article de La Presse.
L’exercice de relation publique
Pour remplir son mandat, la commission doit avancer et être productive. Pour être crédible aux yeux de la population, la commission doit dégager une apparence d’avancement et de productivité. La population a besoin de sentir que des révélations pertinentes sont faites lors des audiences.
La solution : une gestion intelligente de l’agenda de la commission
En juin, on a entendu l’ex-policier, ex-président et chef de la direction de l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien, ex-dirigeant de l’Unité permanente anticorruption, ex-candidat à la mairie de Montréal, député vedette de la CAQ, mais surtout témoin vedette de la commission Charbonneau, Jacques Duchesneau, nous parler de son observation d’un Québec où la collusion et la corruption gangrènent tous les niveaux de l’appareil public. Pour la population, rien de neuf que le feu RueFrontenac.com ou l’émission Enquête n’avaient pas encore dévoilé.
Plusieurs citoyens intéressés ont trouvé que les premières révélations tangibles, démontrant l’existence de comportements frauduleux, sont arrivées de façon tardive. En effet, les premiers témoins de la commission étaient tous des fonctionnaires du Conseil du trésor ou du ministère des Transports[1]. Leur qualité d’expert justifiait leur présence et leur témoignage était à dessein pédagogique. La population pouvait, avec raison, trouver l’exercice aussi excitant qu’une visite au salon funéraire durant la période des impôts, mais un constat devait s’imposer : nous sommes tous des néophytes! Incluant les commissaires![2] Il est important de réaliser que non seulement il existe de la réglementation pour prévenir la corruption et la collusion, mais aussi que c’est précisément cette règlementation qui est exploitée par les fraudeurs. Sur une note encore plus fondamentale, il était primordial de comprendre le fonctionnement de l’État. Qu’est-ce qu’un ministère, une société d’État, une municipalité, une école ou un hôpital? Qui décide quoi? Il faut se rappeler que l’objectif de la commission n’est pas de désigner un coupable, mais bien de comprendre un système. C’est inévitable : l’étude du fonctionnement de l’État est nécessaire pour bien saisir l’enjeu, malgré la très mauvaise télé que ça engendre.
Oui, d’accord. Les citoyens consentent à un retour forcé sur les bancs d’école… Mais pas indéfiniment! Ils exigent du jus, de la substance.
Arrive la reprise des travaux en septembre 2012. Me Sylvain Lussier, alors qu’il était encore procureur en chef de la commission, profite d’une tribune lors du congrès de l’Association de la construction du Québec pour promettre qu’il y aura du « croustillant » très rapidement[3]. Citation qui n’est pas sans rappeler le « best show in town » du juge Gomery. Affirmation maladroite? Peut-être d’un point de vue de la crédibilité juridique, mais les procureurs savent très bien que le public veut savoir et Me Lussier mettait la table.
Les grands thèmes annoncés par la commissaire : Montréal! Laval! Le crime organisé! Les médias se déchaînent en annonçant en grande pompe l’arrivée d’une vedette américaine à la commission Charbonneau : l’agent double Joseph Pistone, mieux connu sous le nom de Donnie Brasco!
Dès le 18 septembre, la commission nous sert son bloc « mafia 101 » en commençant par Valentina Tenti, Ph. D. en criminologie. Certains observateurs du public se demandent en quoi il est pertinent, dans une commission d’enquête québécoise censée étudier des partis politiques, des syndicats et une industrie bien d’ici, d’en apprendre davantage sur le fonctionnement des différentes mafias en Italie. Effectivement, d’un point de vue sensationnel, on a vu mieux! Dans l’immédiat, c’est difficile pour les procureurs de révéler la pertinence de ce témoignage, mais l’histoire nous donnera une leçon de patience.
En effet, les jours suivants, les témoignages vont en se précisant. D’un policier de York qui confirme l’existence de ces groupes criminels en Ontario à Joseph Pistone qui raconte avec précision ce qu’il a observé alors qu’il était agent double auprès d’une famille New Yorkaise, les procureurs nous rapprochent de plus en plus de la situation montréalaise. Après que deux agents de la GRC nous aient dévoilé les trouvailles de l’enquête Colisée, les Québécois ont maintenant les noms et les visages des membres de la mafia montréalaise. Plusieurs d’entre eux sont morts, d’autres emprisonnés. Nous sommes encore loin des Jean Charest et autres Gérald Tremblay et leur financement occulte. Pourtant, cette partie sera touchée très rapidement.
Le reste de l’histoire se poursuit dans mon prochain billet…


[1] Les témoins étaient Jacques Lafrance (Trésor), Michel Dumont (Trésor), Chantale Gingras (MTQ) et Marcel Carpentier (MTQ).
[2] Peut-être moins M. Lachance, ex-vérificateur général du Québec.
[3] Le procureur en chef promet du « croustillant », Le Devoir, 15 septembre 2012