Tous les gens qui s’intéressent de près ou de loin à la politique auront remarqué que nos politiciens ont largement recours à la langue de bois pour répondre aux questions qui leur sont posées. À mon avis, nous en sommes tous responsables.
Peut-on les blâmer? André Pratte écrivait dans La Presse il y a déjà longtemps de cela que la langue de bois est «leur seul recours contre des reporters à l’affût du moindre mot maladroit, de moindre bafouillement, du moindre lapsus.»
Comme société, on se régale des gaffes de nos élus. On en redemande. Mais lorsqu’un politicien parle «vrai», on le dénonce. Dur à suivre n’est-ce pas? Résultat : un élu «parle trop», on le ridiculise. La fois suivante, le même politicien pèse ses mots, on le condamne. Gilles Duceppe l’a bien exprimé en 1997 lors de l’épisode du bonnet : «Si vous portez le bonnet, il arrivera ce qui est arrivé, si vous ne le portez pas, on dira que vous êtes un politicien qui ne suit pas les règles.» C’est assez pour ne pas savoir sur quel pied danser.
Et soyez assurés que les choses n’iront pas en s’améliorant. Et pour preuve, certains journalistes sont aux aguets. De plus, maintenant que les citoyens sont aussi des reporters grâce à l’avènement des médias sociaux, nos politiciens doivent redoubler de prudence s’ils ne veulent pas devenir la nouvelle tendance du Web. Parce que personne n’est à l’abri, même pas les plus expérimentés comme Pauline Marois ou Jean Charest.
Malheureusement, cette langue de bois (ou le calcul de chaque geste posé) amène avec elle un manque de spontanéité. À trop jouer de prudence, on peut souvent mettre de côté notre couleur, notre personnalité. Dommage tout de même que nous en soyons rendus là, puisqu’il peut être rafraîchissant d’entendre ce que nos représentants ont réellement à dire. Le gouverneur de l’État du New Jersey, Chris Christie, l’a bien compris.
Dans une société où le politically correct est maître, force est de constater que l’usage de la langue de bois peut constituer un rempart fort tentant pour ceux qui ont le scandale en horreur. Je suis sincèrement convaincu qu’on gagnerait tous comme société et comme électeur si on laissait les élus s’exprimer librement. On y verrait des hommes et des femmes profondément humains, drôles et résolument engagés pour le bien commun. Mais à l’heure de l’info-spectacle, je doute aussi que les «perles» que nous fournissent les politiciens qui sortent du lot resteront lettre morte. Quoi de mieux qu’un beau dérapage pour vendre de la copie… Et si une crise s’en suit, eh bien, des experts en relations publiques se feront un plaisir de la gérer!
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