L’engagement et la consolidation de la base partisane

La semaine dernière, la machine électorale a démarré en trombe avec le lancement de la campagne et le débat organisé par le magazine Maclean’s. Cette semaine le rythme redevient un peu plus fidèle aux débuts de campagne avec la tournée des chefs, qui rallient leurs militants pour s’assurer de leur appui. Même le témoignage de l’ancien chef de cabinet Nigel Wright au procès du sénateur Mike Duffy n’a pas détourné la campagne de l’objectif clé qu’est la consolidation de la base partisane.

Les Conservateurs donnent le ton

Le premier ministre Stephen Harper a fait une série de promesses électorales cette semaine sur ce que le Parti conservateur juge être ses principales forces : l’économie et la sécurité. Même si certains anticipaient un dévoilement graduel des propositions de chaque parti vu le grand nombre d’annonces faites avant l’élection et la durée de la campagne, les conservateurs se sont empressés de se démarquer du lot. L’interdiction de voyager en territoires contrôlés par les terroristes, le soutien aux groupes ethniques menacés par l’État islamique et l’augmentation du financement alloué à la lutte contre le trafic de stupéfiants sont autant de mesures visant à convaincre les familles canadiennes qu’elles sont en sécurité avec un gouvernement conservateur. Au nombre des propositions des conservateurs figurent aussi l’augmentation de la limite de retrait d’un REER pour l’achat d’une première maison et la majoration de la Prestation universelle pour la garde d’enfants, qui vient en aide aux jeunes familles.

Le Parti conservateur a aussi prévu une tournée ministérielle pour étayer le soutien que son action a suscité depuis qu’il forme le gouvernement. Le ministre de la Défense nationale Jason Kenney participera notamment à des activités organisées par des membres des communautés ukrainienne, taïwanaise et indienne du pays.

Le NPD protège ses assises au Québec

Pour les néodémocrates, le chemin de la victoire commence au Québec, où Thomas Mulcair a consacré la première partie de sa campagne à protéger les votes remportés en 2011. Mulcair s’est fermement engagé à participer à un nombre égal de débats dans chaque langue officielle. Ce qui s’annonçait comme un pari risqué susceptible de réduire les occasions de mobiliser les électeurs a finalement tourné en sa faveur, puisque les organisateurs du débat Munk sur la politique étrangère ont décidé d’y intégrer des composantes en français et en anglais.

Mulcair a marqué un autre grand coup pour consolider ses sièges au Québec lorsque la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), forte de quelque 600 000 membres, a indiqué qu’elle allait soutenir les candidats néodémocrates dans les circonscriptions où le NPD a le plus de chance de défaire les conservateurs. La FTQ se rangeait derrière le Bloc québécois à chaque élection depuis 1993.

Les Libéraux cherchent à créer une dynamique

Même si les médias s’entendent pour dire que le débat de la semaine dernière n’a fait ni gagnant ni perdant, les sondages laissent penser que le chef libéral Justin Trudeau est celui qui a le mieux tiré son épingle du jeu à court terme. Les libéraux, qui s’arrachent avec le NPD les groupes d’électeurs en quête de changement, utilisent la popularité de leur chef pour attirer les foules à leurs activités de campagne. La promesse fait par Trudeau hier à Saskatoon d’investir 2,7 milliards de dollars de plus sur quatre ans dans l’éducation des Premières Nations est un bon exemple de mesure ciblée.

Les sondages annoncent une lutte serrée

Les résultats des sondages nationaux publiés cette semaine placent les trois grands partis côte à côte avec environ 30 pour cent des intentions de vote chacun. Une moyenne des sondages donne l’avance au NPD avec environ 33 pour cent, suivi des conservateurs à 30 et des libéraux, qui rattrapent leur retard, à 28 approximativement. Ces chiffres ne disent évidemment pas tout. Un sondage Nanos Research révèle que les conservateurs ont une importante longueur d’avance en Ontario avec 37 pour cent des votes, si bien que les libéraux à 29 pour cent et les néodémocrates à 26 ont beaucoup de pain sur la planche dans cette province à forte rentabilité électorale.

L’influence des premiers ministres se fait toujours sentir

La querelle entre la première ministre de l’Ontario Kathleen Wynne et Stephen Harper concernant le manque de soutien du gouvernement fédéral à la mise en œuvre du Régime de retraite de la province de l’Ontario s’est poursuivie dans les médias. Or, Wynne est loin d’être la seule chef d’un gouvernement provincial présent ou passé qui souhaite influencer l’issue du scrutin. Si la tendance se maintient, l’appel aux gouvernements provinciaux pourrait être une stratégie efficace pour les tierces parties qui jugent que leurs préoccupations sont ignorées.

Dans l’Ouest canadien, le premier ministre de la Saskatchewan Brad Wall a fait clairement savoir que l’exploitation continue des ressources naturelles était essentielle à l’économie de la province. Il a également jugé trop généreux les paiements de péréquation versés aux provinces moins nanties. Hier, le premier ministre du Nouveau-Brunswick Brian Gallant a attribué le taux de chômage élevé de sa province aux politiques du gouvernement fédéral.

Pour sa part, l’ancien premier ministre du Québec Jean Charest a réitéré que les discussions entourant l’accord commercial du Partenariat transpacifique constituaient un enjeu électoral de premier plan. Charest a indiqué que le Canada ne pouvait être exclu d’un accord, soulignant à quel point la question et ses potentielles répercussions politiques divisent le monde agricole.

On prévoit une rencontre ministérielle en milieu de campagne électorale, ce qui ne manquera pas de relancer le débat.

Les tierces parties choisissent leurs combats

Vu les ressources financières limitées qu’elles peuvent consacrer à la publicité durant la campagne, nombre de tierces parties attendent le bon moment pour se lancer. Le syndicat de la fonction publique, qui a inondé les ondes à la fin juillet de messages pour dénoncer les compressions financières, se fait maintenant discret, tout comme la plupart des autres tierces parties.

L’art de redorer son image

Même s’il est encore trop tôt pour prédire l’effet du témoignage de Nigel Wright cette semaine sur le soutien des électeurs au Parti conservateur, il va sans dire que les partis croisent les doigts pour qu’aucun événement extérieur ou imprévu ne vienne chambouler leur programme. Les conservateurs, qui connaissaient des mois d’avance la date du témoignage de Wright, ont pu préparer leur campagne en conséquence. Cela dit, les partis sont également prompts à réagir en cas de problème inattendu avec leurs propres candidats. À preuve : néodémocrates et conservateurs ont tous deux montré la porte à des candidats cette semaine après que leurs gestes ou propos déplacés ont été rendus publics. Le message est clair : les partis sont prêts à tout pour protéger leur image.

La suite des choses

La conjoncture internationale pèse de plus en plus lourd dans la campagne, alors que la chute continue du prix du pétrole menace de perturber l’économie canadienne. Le président des États-Unis Barack Obama aurait convenu de repousser sa décision sur le projet d’oléoduc Keystone XL après le scrutin, ce qui pourrait braquer davantage les projecteurs sur la question de l’exportation du pétrole canadien. Obama a aussi entrepris d’importants pourparlers sur les changements climatiques, un dialogue qui pourrait se transposer au Canada. Enfin, on s’attend à ce que le NPD et le Parti libéral apportent certains ajustements à leurs programmes pour annoncer des mesures plus précises et mieux chiffrées en août, comme l’ont fait les conservateurs.