À peine évoquée il y a quelques années, la notion d’acceptabilité sociale semble désormais s’imposer comme une condition clé à l’implantation de tout nouveau projet sur un territoire. Pour plusieurs, les gestionnaires et décideurs ne sont plus les seuls juges de l’intérêt public. Citoyens et groupes d’intérêts estiment que leur consentement devrait être déterminant dans la décision d’aller de l’avant ou non avec un projet qui les affecte.
Pour certains, il s’agit d’une évolution souhaitable vers une démocratie de plus en plus participative. Pour d’autres, le phénomène reflète plutôt une perte de confiance envers les institutions publiques et la classe politique. Quoi qu’il en soit, à l’ère des médias sociaux et du libre accès à l’information, le « pouvoir citoyen » est aujourd’hui bien réel. Les exemples de projets freinés, altérés ou abandonnés après avoir failli le test de l’acceptabilité sociale sont suffisamment nombreux et diversifiés pour constater l’existence d’une tendance lourde et pour apprécier l’efficacité des mouvements citoyens.
Alors que les gouvernements s’apprêtent à investir massivement dans le renouvellement des infrastructures urbaines, l’acceptabilité sociale des grands projets interpelle de façon particulière les gestionnaires et élus municipaux. Comment avoir l’assurance que des projets essentiels au développement des villes et des collectivités se réaliseront de manière prévisible? Comment diminuer les risques financiers et politiques pour les pouvoirs publics??
De nombreux exemples démontrent que la participation des citoyens dans le développement des projets réduit considérablement de telles incertitudes. Elle contribue à anticiper les enjeux, mais aussi à générer des réponses avant que ne se cristallisent des mouvements d’opposition.
Cette approche suscite parfois l’inquiétude des gestionnaires et des élus, car elle exige de composer avec une grande diversité d’intérêts s’additionnant aux multiples contraintes techniques et budgétaires existantes. La crainte de créer des attentes auxquelles il n’est pas possible de répondre est aussi fréquemment évoquée.
Pour cette raison, le succès d’une stratégie d’engagement repose d’abord et avant tout sur la diffusion d’une information intelligible, factuelle et crédible auprès des personnes directement concernées. La transparence est la pierre angulaire de cette communication et la façon la plus efficace de baliser les attentes de chacun. Elle aide à éviter la propagation exponentielle des rumeurs et des spéculations, notamment amplifiée par l’entremise des médias sociaux. Ainsi, elle permet de contenir le phénomène de désinformation et les dommages réputationnels qui en découlent.
L’expérience démontre également que d’engager les parties prenantes le plus tôt possible crée un climat propice à leur adhésion. La prudence et toutefois de mise : seule une analyse rigoureuse de la situation permet de statuer sur une stratégie d’engagement adaptée à la nature du projet et aux caractéristiques de la communauté visée. Il s’agit ensuite de sélectionner, parmi l’ensemble des méthodes consultatives disponibles, qu’elles soient « en personne » ou « en ligne », celles qui sont les plus susceptibles de rejoindre les personnes touchées et d’apporter des solutions viables aux enjeux soulevés par les différentes phases d’un projet.
Même s’ils ne reflètent que partiellement la réalité, les controverses médiatisées et les prises de position de groupes d’intérêt sont souvent les signaux les plus visibles du niveau d’acceptabilité sociale d’un projet. Il y a donc lieu d’accorder une attention particulière aux groupes influents et d’accompagner les processus d’engagement de stratégies de communication tenant compte de tous les publics cibles, dont les paliers gouvernementaux, les communautés, les entreprises et les utilisateurs finaux.
Les méthodes de prévention et de résolution de conflits, comme la médiation, peuvent aussi s’avérer utiles pour dénouer les impasses. Dans des cas plus complexes où le degré d’acceptabilité sociale est incertain, le recours à des outils de mesure, comme des enquêtes, sera requis pour donner un portrait plus juste du niveau d’appui au sein des populations directement touchées.
Engager les citoyens de la sorte exige de modifier les façons de faire, voire d’apporter des changements de culture au sein d’une organisation. Les directeurs généraux de municipalités doivent donc s’assurer d’avoir, au sein de leurs équipes de projet, l’expertise et les ressources spécialisées nécessaires pour entreprendre et réussir de telles opérations.
Enfin, l’engagement des citoyens doit surtout servir à conforter les élus dans leur prise de décision, lesquels demeurent imputables envers la population et ultimement responsables de l’autorisation d’un projet. Un niveau d’acceptabilité sociale élevé assurera un soutien politique continu et une stabilité nécessaire aux projets d’infrastructures, dont la gestation et la réalisation s’échelonnent généralement sur plusieurs mandats électoraux.