On dit souvent qu’il n’y a pas de politique sans pouvoir. En revanche, faire campagne pendant une pandémie fait raisonner un message bien plus fort : il n’y a pas de politique sans les gens. Ou du moins, on assiste à un autre type de politique. Si les partis ne trouvent pas de manières innovantes de naviguer dans ce qui sera probablement une nouvelle normalité, avec des rassemblements plus petits et moins de contacts en personne, leurs liens risquent de s’effriter et, par conséquent, leur capacité à remporter une élection.

Aller à la rencontre des citoyens ajoute une note personnelle et significative dans une campagne. Ils ont besoin de voir comment leurs dirigeants se comportent dans des situations non contrôlées, comme dans l’embrasure d’une porte ou dans un café. Ils veulent savoir que la personne pour laquelle ils votent est accessible et à l’écoute. Plus que jamais, les stratèges et les personnes qui les conseillent devront utiliser des idées et des outils de pointe pour susciter l’engagement. Il sera difficile, dans une campagne, de trouver de nombreux Canadiens qui souhaitent s’asseoir devant leur écran pour « un autre événement virtuel ».

Faire campagne pendant une pandémie met en lumière l’importance de la rétroaction instantanée. Il est tout à fait inhabituel pour un chef de parti d’être dans un studio vide plutôt que dans une salle communautaire ou un parc de quartier bondé pour faire une annonce : personne n’est là pour faire savoir au candidat que son message est compris ou même, qu’il résonne chez les citoyens et militants. Pas d’applaudissements et d’acclamations. Le calme d’une campagne en temps de pandémie est troublant et difficile, même pour le politicien le plus expérimenté. Le manque d’énergie dans une salle presque vide rend l’enthousiasme difficile à susciter; celui-là même qui est nécessaire pour réussir à livrer ses messages ou pour savoir si la communication a complètement raté sa cible.

Prenons l’exemple de la Colombie-Britannique qui a vécu cette situation, lors des élections provinciales. La province traversait la deuxième vague de COVID-19, et le déclenchement d’une élection surprise par le premier ministre John Horgan signifiait que les partis, prêts ou non, étaient en campagne durant la pandémie. En l’absence d’autobus médiatique effectuant une tournée à travers la province, la coordination de la couverture représentait un énorme défi. Attirer l’attention des Britanno-Colombiens sur la campagne était un obstacle. Si la base d’un parti n’était pas déjà engagée, il y avait peu de chances que même le plus aguerri des militants puisse capter l’attention d’une population effrayée et exténuée. L’engagement précoce et cohérent est plus important que jamais.

En Saskatchewan, le portrait était similaire. Les citoyens hésitaient à ouvrir à la porte pour rencontrer un candidat, et s’ils le faisaient, la conversation consistait en un bref échange à travers un masque à deux mètres de distance. Les bénévoles étaient rares. Les citoyens ne souhaitaient pas faire du porte-à-porte ou à appeler des listes téléphoniques alors qu’ils s’inquiétaient pour leur santé, leur famille et leur emploi. Les personnes âgées ayant été touchées de manière disproportionnée par la pandémie, les candidats ne pouvaient pas passer la porte d’entrée des établissements de soins de longue durée ou des maisons de retraite. De plus, de nombreuses personnes âgées qui dépendaient de bénévoles pour les conduire aux bureaux de vote le jour du scrutin n’avaient tout simplement pas cette possibilité.

Le temps est devenu une monnaie d’échange. Les gens veulent désormais passer leur temps à faire des choses qui sont significatives pour eux. Pour une réussir une campagne, les candidats devront constamment se questionner : Comment attirer l’attention et se faire entendre dans le bruit ambiant croissant du quotidien des Canadiens? Prenons-nous le risque d’assister à un événement en personne dans une province qui n’a que peu ou pas de restrictions sachant que nous risquons d’obtenir une réaction négative dans les provinces qui sont encore en phase de réouverture?

Comme nous l’avons résumé précédemment, à partir de l’expérience des précédentes campagnes pendant la pandémie, sans les gens, ce n’est pas vraiment de la politique; du moins pas de la politique telle que nous la connaissons. L’engagement n’y est tout simplement pas. Les 18 mois qui viennent de s’écouler ont été longs et difficiles pour tous, et tandis que les entreprises, les restaurants et les autres secteurs d’activité font face à leur nouvelle réalité, les partis politiques devront faire de même. Dans l’avenir, les moyens novateurs que les partis emploieront dans leur campagne pour engager à nouveau les citoyens, tant en personne que par des moyens numériques, seront probablement l’indicateur de leur capacité à gagner.